Ressentis
de notre séjour, par Mélanie Del Din, co-auteure et comédienne de Ras
d’eau :
Au
sortir de notre petit chalet, 5 chats nous attendent toujours.
Nous
les laissons (avec une petite caresse) et nous prenons nos bicyclettes (avec
vitesses !...) qui nous valent des remarques des habitants qui eux, ont
bien compris qu’il valait mieux prendre de petites voitures ou les fameux
scooters pour éviter les courbatures aux cuisses ! Mais que voulez vous,
il faut bien éliminer les pâtisseries, la pasta et les pizzas ! Alors
qu’il fasse grand soleil, pluie vent, froid, nous arpentons cette île à
vélo !
Nous
croisons des merveilles de la nature : une eau bleu claire transparente,
des plantes colorées poussant même dans la roche, des couleurs et des lumières
devant lesquelles nous nous extasions.
C’est
d’autant plus surprenant qu’on sent bien la présence de la roche dure, pointue
et pourtant friable qui nous porte au dessus de la mer toujours là, à côté de
nous.
Nous
croisons des maisons d’une bonne taille, la plupart du temps faites de pierres
claires.
Arrivés
au centre de la toute petite ville, c'est un foisonnement de rues
perpendiculaires et assez étroites que nous empruntons. Ici, pas de priorité à
droite mais priorité à celui qui a décidé de l’avoir !
Des
maisons-appartements à plusieurs étages, colorées, neuves ou à l’abandon bordent
les rues pavées, régulièrement trouées. On y voit aussi beaucoup de petites
boutiques en tous genres et des hôtels-chambre d’hôtes. La plupart d’entre eux
sont fermés : nous sommes en février.
La
rue se peuple et se vide au fil des heures. Le plus marquant est le silence
calme du début d’après midi ! Une grande majorité des personnes dans les
rues sont des hommes. Les femmes sont sûrement dans les maisons… ?
Le
café, point de rendez-vous pour la vie sociale : se tenir au courant de
qui va gagner les élections, savoir que demain, oui, il y a encore grève des
pêcheurs car le bateau qui les relie au continent est trop vieux et trop
aléatoire : il est petit, on ne peut pas tout y mettre, il ne vient pas
tout le temps ce qui signifie que les poissons attendent trop longtemps dans
des frigos pour pouvoir être vendus frais sur le continent. Résultat : la
pêche part à la poubelle et l’argent manque à la famille !... Ils sont
décidés, courageux. Sur l’île, il commence à manquer d’œuf, de lait, les rayons
des supérettes se vident tranquillement. Mais ils ne veulent plus de ce gros
tas rouillé comme unique fil entre eux et le continent ! Du neuf et des
règles !
Nous
partons avant le dénouement de l’histoire mais les personnes rencontrées sur
l’île nous tiendrons au courant. Oui, ici, facebook et internet tournent aussi
à plein régime !
C’est
une île reliée au monde, à l’Italie bien sûr, peut-être trop exclusivement mais
elle intéresse des norvégiens, des allemands, des français, des tunisiens … !
Ceux
qui ont choisis de venir sur cette île y sont très attachés ; ce qui y
sont nés aussi mais avec plus de paradoxe : c’est une belle île, il y a
une qualité de vie certaine mais ça reste une île, « isola » en
italien, où on peut tourner en rond et y prendre des habitudes difficiles à
remettre en cause.
Des
gens hors du commun y habitent. Le dialecte y est beau, les gens attachants. Ça
cri, ça s’engueule ? Ah, non, ça parle, et avec les mains ça appuie ce qui
est dit, capito ?
« C’est
une petite Italie » : plein de pensées, de styles différents se
côtoient créant des remous et de belles images d’acceptation de l’autre.
Nous
rencontrons une troupe de théâtre amateur qui travaille sur un spectacle autour
de l’histoire de l’île. Nous croisons des peintres, des musiciens, plasticiens,
des barmans, restaurateurs, professeur de shiatsu, ouvriers du bâtiment,
étudiant(e)s !… Prendre le temps de connaître les gens, savoir qui ils
sont, comment ça marche, ne pas forcer les choses en arrivant avec nos gros
sabots d’européens, français de surcroît !... pour ensuite commencer à
poser des questions ou simplement écouter.
L’été,
l’île change complètement, les habitants courent partout ou fuient car les
touristes italiens arrivent en masse ! Heureusement, nous ne connaissons
pas cette période que j’imagine hystérique mais qui apporte de l’argent pour
l’année à beaucoup d’îliens…
Le
rapport aux journalistes s’est calmé. Au moment des arrivées clandestines
d’êtres humains en quête de meilleur ou de moins pire, certains projecteurs du
monde étaient tournés vers Lampedusa. Trop, ras le bol, façon dénaturée d’être
devant la caméra, le micro. Scission au sein des habitants par rapport à la
présence des émigrés, ces mêmes émigrés qui n’en peuvent plus mais les journaux
veulent faire de l’audience, des ventes ; dire la vérité ? Nous
n’osons pas trop remuer le couteau dans la plaie ; pour différentes raisons,
nous sentons que ce n’est pas si loin… Et nous : un italien, une française
et un tunisien œuvrons pour une potentielle ouverture, connaissance… On
espère, en tous cas…
Nous
mettons en place, avec l’aide importante d’Askavusa et The Hub, des ateliers de
théâtre ! En voilà une autre histoire ! Nous peinons un peu à trouver
des jeunes mais ceux qui y sont, sont très motivés, s’engagent, ont envie
d’apprendre, osent, font confiance et créent de belles choses ! On sent
que c’est un espace de liberté, d’amusement ! Une belle promesse pour 2014
où nous voulons réunir de jeunes
tunisiens, français et italiens pour mener un atelier théâtre à Lampedusa!
Le
premier jour a eu lieu un atelier parents-enfants ! On devait dire
mamans-enfants… Mais quel plaisir de voir ces mamans retrouver la légèreté de
l'enfance avec leurs propre enfants, maîtres en matière de jeu !
Pour
notre écriture de Ras d’eau, nous humons toute cette atmosphère, zieutons les
recoins, écoutons les paroles, griffonnons un mot, une idée vite fait pour
pas l’oublier et pour ne pas manquer le présent ; nous nous posons dans un
café, à la plage, au calme dans notre chalet au camping pour prendre le temps
d’écrire plus, nous lisons des extraits à Diego Rora, notre oreille (et aussi
notre bouche italienne !).
Riches
et remplis de tout ça, nous revenons sur le sol français, un peu tristes mais
heureux qu’il y ait du futur à tout ça ! Le temps manque mais une bonne
frustration donne envie de revenir !...
Le 5/03/2013
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